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Défense d'afficher

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Paris, 2020
En lettres capitales peintes au pochoir, l’expression cite la très officielle loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Sur les murs des usines, des bâtiments officiels ou des lieux de pouvoir, elle a longtemps rappelé au passant que, si chacun a le droit de s'exprimer par le moyen de la publicité, il y a des lieux pour cela. L’affichage public a ainsi été limité, les textes prévoyant que certains espaces ne pouvaient constituer un support d’affiches. Ce rappel de la loi, au fondement de nos démocraties, a longtemps constitué une inscription fréquente couvrant les murs des villes. Elle n’en est pas moins devenue surannée, s’effaçant imperceptiblement. Est-ce parce que la capacité à impressionner le quidam s’est émoussée, quand il suffisait d’écrire en haut de casse sur un mur ? Est-ce parce que d’autres principes juridiques se sont ajoutés depuis, comme le respect du "cadre de vie", considérant qu’il convient de préserver le caractère esthétique, historique ou pittoresque des lieux sans qu’il soit nécessaire de le rappeler en badigeonnant sur les murs quelques inscriptions à gros traits, en gras et en noir ? Ce cliché de la rue Berthe, pris à Paris en mars 2020, ne le dit pas. Et pour cause : il est la photographie d’un décor de cinéma surpris en période de confinement. Ordonné pour lutter contre la pandémie du coronavirus, ce dernier obligea à délaisser les préparatifs de tournage d’un film, sur la butte Montmartre. Inspirés des années d’Occupation, les décors ont été abandonnés sur place, replongeant le passant dans une étrange ambiance. Avec du papier collé sur les façades reproduisant artificiellement la patine du temps, l’inscription rejoue au carré la privation de liberté. Non sans quelque paradoxe, quand on y pense, puisque l’extrait de loi cité en est, au contraire, une des garanties.