Contributions

De l'eau, du sel, de la farine et du droit

agriculture commerce marché étiquette écrits
Marne la Vallée, 2019
Début 2022, à l'heure où l'inflation semble reprendre ses aises et où le tarif du pain frétille dangereusement vers la hausse, de grandes chaînes de distributeurs mettent en vente des baguettes à prix réduit. Ces opérations commerciales ne sont toutefois pas inédites. L'étiquette prise ici en photo en 2019 correspond à un lot de 3 baguettes à laquelle, dans sa grande générosité, le supermarché y ajoute une quatrième gratuite. L'addition finale est sans appel : le montant dû revient à 71 centimes l'unité, soit moins cher que son équivalente achetée en boulangerie artisanale. Quelques esprits chagrin pourraient douter de l'authenticité du produit : s'agit-il de véritables baguette de pain ? Le consommateur ne risque t-il pas d'ingérer, avec ses tartines, quelques milligrammes d'additifs moins recommandables ? N'est-il pas courant d'y ajouter un peu d'acide ascorbique, cette fameuse vitamine C qui a le bon goût d'accélérer la pousse ? Ou ses dérivés, ascorbate de sodium, ascorbate de calcium et autres E300, E301, E302, appréciés pour leur vertus anti-oxydantes ? Et quid des amylases fongiques et autres hémicellulases qui permettent d'améliorer la coloration de la croûte ou d'augmenter l'extensibilité de la pâte ? Le réglementation est claire sur ce point : la baguette tradition sera sans additifs, ou ne sera pas. En stipulant que le lot vendu se compose de "baguette de tradition française", l'étiquette se réfère au décret du 13 septembre 1993, appelé parfois "décret Balladur", qui définit strictement la composition du pain dit "de tradition française" et les conditions de sa fabrication : n'avoir subi aucun traitement de surgélation ni reçu aucun additif. Apposé obligatoirement sur l'emballage, l'étiquette rappelle que s'il faut de l'eau potable, du sel de cuisine, de la farine de blé et de la levure ou du levain pour fabriquer de la baguette tradition, il faut aussi du droit.