Contributions

Le droit et le nom

bâtiment recours décret qualification nomination
Paris, 2022.
Le nom de l’ « Université de Paris », instituée par le décret du 20 mars 2019, s’affiche fièrement au fronton du 85 boulevard Saint-Germain. La consigne « Défense d’afficher », à moitié effacée, semble ici caduque. La juxtaposition de l’affiche et de son interdiction montre ici la contextualité, si ce n’est la faiblesse, de cette dernière : on comprend en creux que ce ne sont pas toutes les affiches qui sont interdites, mais celles qui viendraient parasiter la façade et son message, c’est-à-dire l’affirmation d’une nouvelle identité universitaire issue de la fusion d’anciennes universités (l’université Paris-Diderot ainsi que l’université Paris-Descartes, dont le nom est encore gravé dans la pierre, mais en dehors du cadre de la photographie).
Mais si cette opération visuelle de qualification l’a emporté sur l’interdiction murale, c’est une autre forme d’opération qui va en avoir raison : après un recours d’une autre université, le Conseil d’État annule la partie du décret original qui qualifiait l’université de Paris, estimant l’usage de ce nom abusif et trompeur. Le droit a ainsi le pouvoir de nommer mais également de dé-nommer, stabilisant ou fragilisant par cela l’identité des choses. Les murs de la ville peuvent alors porter les traces des batailles judiciaires concernant la juridicité, et au-delà la légitimité, des noms et de leur appariement aux entités qu’ils désignent.