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L'affaire est dans le sac

lieux travail paperasserie justice bureaux dossiers
Paris, 1633?
Appartenant à une série de gravures dédiées aux métiers qui peuplent le Paris de la première moitié du XVIIe, l’image concerne ici l’étude d’un procureur. Le magistrat, seul personnage coiffé d’un chapeau, est debout derrière son pupitre. Il tend la main, prêt à recevoir les doléances d’une femme assise, appelée « la villageoise », accompagnée d’un homme qui se tient debout, respectueusement, chapeau à la main. Au bas de l’image, il est dit qu’elle entend se séparer d’un garçon incompétent. A côté de lui, un autre homme semble attendre son tour ; il tient dans ses mains, outre son chapeau et son bâton, un sac. Une femme, appelée « la bourgeoise », entre dans la pièce, tenant elle aussi un sac. Quant au garçon sur la droite, il retire d’une hotte de la nourriture (fruits, gibier) destinée vraisemblablement à servir de monnaie. L'intérêt des gravures d’Abraham Bosse tient dans leur goût du détail. En l'occurrence, celui de décrire ici précisément l’équipement nécessaire pour transformer l’affaire en décision de justice : des documents, que l’on se transmet de main en main ; des écrits que l’on confectionne, depuis le matériel installé sur le pupitre couvert d'un tissu appelé « bureau » ; et surtout des sacs. Pendus sur les murs, ou tenus fermement par les protagonistes, ce sont des « sac à procès ». Encore vides ou bientôt pleins, ils sont en toile de jute ou de chanvre. Ils permettent de rassembler les pièces d’une affaire que l’on suspend à un crochet pour éviter que les rongeurs ne s’attaquent aux papiers. Ne dit-on pas alors que les affaires sont « pendantes » ? L’étiquette qu’on y accole les résume : elles sont « dans le sac ». Il sera temps, le jour de l’audience, d’en retirer les pièces et de permettre ainsi aux intéressés de « vider leur sac ». Et aux avocats les plus hardis d’en user plus d’un tour. Rien n’est dit, en revanche, de qu’il est advenu à cette villageoise et à son affaire