Paris, 2022 « Vous êtes ici ». Depuis l’immense atrium du nouveau tribunal de justice de Paris autour duquel les escalators et les passerelles dessinent des lignes de verre baignées de lumière, le justiciable doit pouvoir se repérer aisément. Parmi les 90 salles d’audiences et les 30 salles de conciliation du bâtiment, il doit trouver son chemin. Grâce aux plans répartis aux endroits les plus stratégiques, il est censé pouvoir se rendre à l’endroit voulu. Et le « Vous êtes ici » ne manquera sûrement pas de le rassurer, compte tenu de la simplicité assumée avec laquelle les salles, à chaque étage, se répartissent des deux côtés d’un seul couloir long de 168 mètres, faisant oublier les dédales tortueux des labyrinthes des anciens palais. Simplicité et transparence auraient-ils pu recevoir plus bel hommage ? Et pourtant, à bien y regarder, ce plan est impossible. Car s’il est vrai que prévenus, victimes, publics et avocats pourront s'orienter depuis le dessin de l’étage, par où donc passent les magistrats, procureurs, greffiers, huissiers et gendarmes qui empruntent, par sécurité et solennité, des chemins réservés ? Par quelle porte mystérieuse la cour apparaîtra t-elle, après qu’une sonnette ait retenti ? Quels couloirs secrets leurs pas auront-ils arpenter pour rejoindre le lieu du procès ? Le plan ne le dit pas. Conçu pour le seul regard du public venu de l’extérieur, son schéma dissimule sous les traits pleins figurant des murs et les aplats grisés un simple extérieur, en vérité, d’autres portes et d’autres couloirs, invisibles au profane. L’ode à la transparence aura ses limites.