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université collages critique mobilisation
Nanterre, mars 2022

Chaque matin, 34 000 étudiants s’enfoncent dans la boue de l’Université Paris Nanterre, les yeux rivés sur des cours qu’on finit de réviser ou sur des camarades de classe chahuteurs, peu sont ceux qui regardent les hauteurs des bâtiments du campus. Parfois, quelques curieux, au milieu des moutons, lèvent les yeux au ciel et distinguent dans le vent la banderole « Non à la sélection ». Que provoque cette lecture ? Souvent pas grand-chose. Ma place ici est-elle méritée ? Pourquoi moi ? La réalité du partiel dans une salle surchauffée rappelle très vite à l’ordre. Pourtant, cette malheureuse banderole illustre une contradiction qui anime de vifs débats lors des réformes sur l’enseignement supérieur. Dans ces confrontations s’opposent ceux qui défendent un droit d’étudier résistant à toute épreuve et ceux qui revendiquent une sélection par les universités afin d’atteindre un meilleur niveau d’enseignement. La loi Savary, passée le 16 janvier 1984, définit le principe de liberté d’accès des bacheliers à l’enseignement supérieur. En 2017, face à la saturation des universités, le Ministère de l’Enseignement Supérieur lance un projet de réformes qui aboutira à la création de la loi ORE dont l’objectif est d’augmenter le taux de réussite en licence. Le tirage au sort est abandonné, la sélection dépendra du dossier, de l’établissement d’origine, de l’éligibilité à une bourse et parfois d’une lettre de motivation. Les 34 000 étudiants devraient le savoir et même y penser ; les cerisiers en fleurs, messagers du printemps, sont le paysage habituel des demandes de candidatures. Le contexte pourrait pousser à assumer ce droit et à souhaiter le partager, à chercher à rencontrer les 21 « sans-facs » qui voient leurs voeux rejetés au motif d’un droit à la sélection. Mais cette banderole reste lettre morte, témoignage lointain de la difficulté de remise en question d’un système qui nous a ingéré.