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Mais qui gardera ces gardiens ?

police sousveillance
Bras armé de l’État, la fonction de police incarne à merveille sa prétention au monopole de la violence physique sur le territoire national. Si elle a ce monopole, c’est théoriquement pour exclure les autres agents du corps social de l’usage de cette même violence, et plus largement pour assurer le respect de l’ordre public et du droit qui le fonde, que ce soit de façon préventive (police administrative) ou répressive (police judiciaire). Pourquoi cet appel à la vigilance ? Pourquoi faut-il que nous « surveillons la police » ? Il peut en effet paraître paradoxal d’avoir à exercer ce devoir de contrôle sur un corps professionnel dont l’objet même est de contrôler le respect des lois. Mais cette position particulière dans l’espace social, ce monopole légal de la violence physique, offre un pouvoir particulier dont il peut être tentant d’abuser. Que faire alors pour s’en prémunir ? Les forces policières ne sont elles-mêmes pas à l’abri de la répression policière, et notamment celle de l’IGPN, la « police des polices ». Mais de nombreux soupçons pèsent sur les conflits d’intérêt et la solidarité professionnelle qui rendrait ces protections illusoires. Reste alors comme solution le renversement des regards : observer l’observateur pour contrôler le contrôleur. Si ce retournement, appelé aussi « sousveillance » ou « panoptique inversé », est potentiellement efficace, c’est parce qu’il s’arrime l’espace public. En soi, cette surveillance inversée n’aurait que peu d’effets si elle ne faisait pas peser la menace d’un dévoilement public du détournement de la force légale. Mais dans nos sociétés démocratiques, la domination juridique nécessite son consentement, et ce consentement s’appuie sur la croyance dans le caractère universel de la loi. L’exposition aux yeux de tous des illégalismes policiers, en publicisant ces trahisons de l’universalisme juridique par ceux-là mêmes qui sont censés le protéger, expose alors les contrevenants à des sanctions publiques. Avec, en ligne de mire pour les militants de la sousveillance, une adaptation nécessaire du comportement des forces de l’ordre si elles souhaitent conserver la fonction qui fonde leur existence même.