Contributions

La justice à roulettes

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Paris, 2007

C’est entendu : le droit est une affaire d’équipement. Il y a, certes, les prétoires solennels, les statues édifiantes, les aménagements de l’espace, la barre, les boxes, les bancs, les habits, les robes à grandes manches, les cravates plissées de batiste, toutes ces choses maintes fois décrites pour insister sur le cérémonial de la justice. Il y a, certes, les bibliothèques exhalant ce mélange d’encaustique et de vieux cuir où s’alignent les livres des textes et les recueils de la jurisprudence, qui constituent avec les salles d’audience la pièce obligée de tout tribunal. Il y a, certes, les infrastructures matérielles sans lesquelles les magistrats ne trouveraient guère d’affaires à étudier, et encore moins de contentieux à juger, que sont les dossiers cartonnés débordant de papiers qui s’empilent sur leur bureau et leurs étagères. Mais il y a aussi des objets sans prétention ni atour particulier qui, sur le mode mineur de la banalité, n’en jouent pas moins leur partition. Tel est le cas de ce chariot à paniers qui sert aux juges de ce tribunal à transporter les dossiers qu’ils vont chercher au Greffe du tribunal pour les emporter jusqu’à leur bureau, quelques étages plus haut. Comment feraient les juges, sans ce véhicule à roulettes, face aux dossiers qui se sont accumulés dans leur casier ? Chaque matin, c’est un étrange ballet qui inaugure la journée du tribunal, les magistrats promenant dans les couloirs leur chariot aux allures d’un caddie qu’on promène dans les rayonnages d’un supermarché.