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En émail et en fer

signalétique agriculture preuve santé contrôle sécurité écrits
Catawiki, 2022
« Rare et ancienne plaque émaillée des services vétérinaires » : sur la plateforme d'enchères en ligne Catawiki dédiée aux collectionneurs, l’objet est proposé pour une centaine d’euros. Le propriétaire en vante l’intérêt, la chose apparaissant idéale pour « une déco loft, un cabinet vétérinaire, un cabinet médical, une déco campagnarde ou pour les amateurs d'anciens outils agricoles ». Il en détourne toutefois l’usage premier : servir de preuve de contrôle que les éleveurs devaient accrocher, sur la porte de l’étable, attestant que leur ferme était indemne de la tuberculose bovine. Et pour cause : il y eut de longues années d'après guerre où mycobacterium bovis s'épanouissait parmi les troupeaux, au grand dam des agriculteurs qui devaient formellement procéder à leur abattage. La plaque émaillée vantée par notre vendeur est intéressante à plus d'un titre. Elle place son message sous l'égide des services déconcentrés du ministère de l'agriculture, qui couvrent la plaque d'une autorité d'Etat. Elle renvoie, selon toute vraisemblance, à la loi du 6 décembre 1954 relative à la maladie et au contrôle de la salubrité des viandes, qui impliquait une surveillance stricte de ce qui constituait alors une maladie endémique. Elle souligne le caractère légal du diagnostic réalisé à propos des animaux de l'étable, considérée comme "officiellement indemne". Elle indique le caractère récurrent de ce contrôle, qui oblige chaque année à apposer un médaillon coloré au panonceau. Et si elle ne le dit pas, il est fort probable que la tige de fer qui noue le médaillon à la plaque est agrafée sous l’œil vigilant des vétérinaires délégués par les autorités publiques. Une rapide enquête indique que le ministère opte, dans ces années 1960, pour la généralisation des opérations de dépistage à la tuberculine, au détriment de la vaccination compte tenu du désengagement de l’Institut Pasteur pour la production de sérums et de vaccins dédiés aux animaux. A l’heure où les QR codes et interfaces numériques de traçabilité n’existaient pas, il fallait bien des marqueurs visibles et permanents pour attester du diagnostic. Une chose est sûre : fort de ces enjeux, c'est aussi avec de l'émail et du fer que les textes de loi s’écrivent.